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Un café avec Guénaëlle, pilote de l’ERHR Bretagne

Entretien

Depuis 2022, Guénaëlle Mahé coordonne l’Équipe Relais Handicaps Rares (ERHR) Bretagne. À l’occasion des 10 ans des ERHR, elle revient sur son quotidien, les défis de ce poste clé et les valeurs qui animent son équipe.

Bonjour Guénaëlle. Vous êtes la pilote de l’ERHR Bretagne depuis 2022. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste votre rôle ?

C’est d’abord un rôle de coordination et de management. Le pilote est là pour faire vivre l’équipe, orienter les actions en fonction des besoins du territoire et mettre en œuvre le schéma national Handicaps Rares à l’échelle régionale. Chaque année, nous construisons un plan d’action en lien avec le 3e schéma national, que nous soumettons à l’ARS, au comité d’orientation stratégique et à notre association porteuse à savoir l’association Gabriel Deshayes. Ce plan est le fruit d’une réflexion collective : toute l’équipe y participe, en s’appuyant sur les retours du terrain, qu’ils viennent des personnes en situation de handicaps rares, des familles, des structures ou des associations.

Ensuite, mon rôle consiste à impulser la dynamique, à la fois sur l’accompagnement individuel des situations complexes, et sur les « actions collectives » (sensibilisations, manifestations vers le grand public, les structures, les acteurs, les aidants, etc.) que nous menons auprès des professionnels ou du grand public.

Parlez-nous justement de votre équipe. Qui la compose ?

Nous avons la particularité d’être présents sur deux antennes : l’une à Auray, l’autre à Brest. L’équipe compte actuellement six personnes : moi-même, deux référentes de parcours (une par antenne), une assistante sociale à mi-temps, une assistante administrative à 80 %, et, à partir de septembre, une psychologue à 40 %. Les référentes de parcours accompagnent près de 120 à 130 situations par an, tout en animant chacune une Communauté de Pratiques.

Une psychologue, ce n’est pas si fréquent dans les ERHR. Pourquoi ce choix ?

C’était un vrai besoin que j’identifie depuis que je suis arrivée il y a 3 ans. Nos équipes sont régulièrement confrontées à des situations complexes et parfois très chargées émotionnellement. Avoir une psychologue permet de prendre du recul, d’analyser ces situations de manière plus fine, et de soutenir les professionnelles. Elle apporte aussi une expertise complémentaire sur les éventuels troubles psychiatriques qui peuvent être associés aux handicaps rares.
Elle sera aussi un pilier pour notre future équipe mobile « comportements défis », qui viendra appuyer les structures en difficultés sur cette question, et jouera un rôle important dans l’animation de nos Communautés de Pratiques. Un vrai couteau suisse, en somme !

Quelles sont vos missions principales et les défis que vous relevez au quotidien ?

Outre le management d’équipe, je consacre beaucoup de temps à l’animation du réseau. Maintenir des liens forts avec les partenaires, les financeurs, les acteurs du dispositif intégré (DIHR), les MDPH, les associations… C’est essentiel. J’ai beaucoup sillonné la région pour faire connaître l’ERHR mais aussi identifier et rencontrer les acteurs. Je suis amenée à le faire régulièrement avec les turn-over dans les organismes. L’essentiel c’est que l’ERHR soit constamment repéré sur le territoire et qu’on sache quelles sont ses missions ! D’autre part, nous avons aussi 20 établissements référents Handicaps Rares en Bretagne que nous coordonnons et avec qui nous avons conventionné. Ce sont des établissements et services ayant développé une expertise sur une ou plusieurs catégories de handicaps rares et qui sont présents sur tous les départements bretons afin de quadriller au maximum les besoins. Cela permet de créer une vraie cartographie des compétences des professionnels qui peuvent répondre à n’importe quelle situation sur l’ensemble du territoire.

Êtes-vous en contact direct avec les personnes accompagnées ?

Très ponctuellement. Je lis l’ensemble des comptes rendus des rencontres des personnes concernées mais mon rôle est plutôt de soutenir l’équipe dans la conduite des accompagnements, de proposer des pistes ou d’aider à l’analyse des situations. Mais en cas d’urgence ou d’absence, je peux bien sûr intervenir directement.

Avez-vous un exemple de partenariat concret sur votre territoire ?

Oui, plusieurs. Nous partons toujours d’un besoin repéré sur le territoire.
Sur la maladie de Huntington, par exemple, nous avons été contactés par une structure qui, en collaboration avec une start-up, avait construit une tablette d’aide à la communication pour une personne en MAS. La start-up allait fermer et la structure avait besoin d’être mise en contact avec un partenaire pouvant l’aider à poursuivre ce travail. C’est à ce moment-là qu’on a pensé à deux acteurs de notre territoire qui travaillaient sur les outils d’aide à la communication et le matériel : le centre Kerpape et le Coworkit.

Nous avons réuni autour de la table la structure, l’ERHR, le centre Kerpape, ainsi que l’association de patients : Huntington France pour identifier les possibilités sur la reprise de ce projet. Une fois le diagnostic et le plan d’action faits, nous avons lancé une convention tripartite. Aujourd’hui cette tablette est déployée au sein du projet Stéphanie et utilisée par d’autres personnes avec la même pathologie, y compris dans d’autres régions.

Autre exemple : en lien avec la Communauté 360 d’Ille-et-Vilaine, nous avons lancé un « forum des dispositifs » pour améliorer la lisibilité des aides disponibles en Bretagne. C’est un événement annuel avec des stands thématiques (santé, médico-social, insertion professionnelle, etc.), à l’image d’un forum étudiant, qui favorise les rencontres entre professionnels, familles et personnes concernées. L’objectif : étendre cette initiative à tous les départements bretons.

10 ans après la création de l’équipe relais et à l’aube de la fin du 3e schéma national des handicaps rares, quels sont les grands enjeux en 2025 pour votre ERHR ?

Un des premiers enjeux est de maintenir la connaissance et la reconnaissance de l’Équipe Relais. Quand on a un handicap rare, on est souvent isolé et on ne sait pas vers qui se tourner. Faire connaitre l’existence de notre dispositif encore et toujours est essentiel !

Autre enjeu : maintenir la dynamique territoriale. Cela suppose d’aller à la rencontre des acteurs, d’organiser des actions, d’être à l’écoute. Ça ne veut pas dire de répondre seulement à des mails mais vraiment d’aller en profondeur dans le lien, se rencontrer, créer des actions, des événements pour toujours mieux répondre aux besoins de chaque département breton.

Enfin, il faut garder une vision d’ensemble. Anticiper, se saisir des politiques publiques, des signaux faibles du terrain, pour agir avant que les besoins deviennent des urgences.

Par exemple, en juin 2025 est paru l’instruction sur le déploiement de la CAA, nous avions déjà mis en place des projets autour de cette thématique avec le centre Kerpape et organisé une journée régionale.

Sur la question des comportements défis, elle revenait régulièrement sur le terrain et mettait grandement en difficultés autant les familles que les structures, d’où la création de l’équipe mobile. Bref, c’est un cercle vertueux : il faut sans cesse être sur le terrain pour rencontrer les gens, identifier leurs besoins et difficultés et projeter des solutions.

Dans notre acronyme, le mot important est « relais » car nous sommes au carrefour de l’écosystème. Le handicap rare est une niche mais nous nous retrouvons partout. N’importe quelle équipe de professionnels, n’importe quelle personne face à une situation complexe peut nous appeler et nous devons avoir la capacité de l’adresser ou d’aiguiller vers la bonne ressource parce que nous savons exactement où elle se trouve.

Un projet dont vous êtes particulièrement fière ?

La formalisation de la fonction appui ressource avec les 20 établissements référents handicaps rares. C’est une vraie réussite collective. Apporter une réponse rapide et proche aux personnes qui attendent parfois depuis des années est une véritable source de satisfaction. On ne peut pas se permettre de faire encore patienter des personnes en situation de handicap rare : elles ont déjà attendu bien trop longtemps.

Un exemple concret ?

Une maman dont trois enfants sont atteints de la maladie de Huntington nous a appelés, car son dernier vivait seul et était en grande souffrance psychologique. La famille était désemparée, elle ne savait plus quoi faire, et il n’était plus possible pour la personne de rester à domicile. Un professionnel s’est donc rendu sur place ; nous avons ensuite travaillé avec trois établissements spécialisés dans la maladie de Huntington. Ensemble, ils ont élaboré un planning sur trois mois, se relayant pour accueillir temporairement la personne et proposant une solution adaptée à la situation.

Quelles sont les qualités indispensables pour être pilote ?

Une bonne connaissance du paysage médico-social et des politiques publiques. Une capacité à innover, à créer des solutions quand rien n’existe encore. Et surtout, une aptitude à fédérer, à créer la confiance autour de soi. Il faut aussi être rigoureux : quand on organise un événement ou une sensibilisation, il faut que ce soit très précis, exigeant et convaincant, sinon les personnes ne reviennent plus. Enfin, avoir une bonne qualité relationnelle est indispensable !

Quels enseignements avez-vous tiré de votre parcours dans l’ERHR ?

Avant tout, il est essentiel de faire preuve d’humilité. On a beau avoir des connaissances, on se rend vite compte qu’on ne sait jamais tout. S’appuyer sur l’expérience des personnes concernées et de leurs familles est indispensable pour comprendre vraiment la situation et avancer ensemble. J’ai aussi appris combien il est important de ne pas travailler en silo, mais au contraire d’ouvrir des portes pour renforcer les liens entre le secteur médico-social et sanitaire. Enfin, cette expérience m’a permis de développer une grande agilité, que ce soit dans les relations publiques, dans les stratégies à déployer, aussi bien auprès des partenaires institutionnels qu’auprès des personnes concernées et de mon équipe. Cela m’a informé à m’adapter en permanence aux besoins et aux situations, pour construire des solutions efficaces ensemble.

Trois mots pour résumer votre mission ?

Agilité. Innovation. Proactivité.

Et pour finir : qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter pour les 10 prochaines années ?

Pour les dix prochaines années, je nous souhaite de continuer à gagner en visibilité et en reconnaissance. Plus notre voix portera, plus nous pourrons obtenir des soutiens pérennes, ce qui permettra de développer de nouvelles actions pour les personnes souvent isolées, pour qui la prise en charge reste très complexe, y compris pour les aidants et les structures.

Je souhaite aussi que nous renforcions nos partenariats, que nous continuions à innover dans nos modes d’accompagnement, et que nos équipes soient fières et reconnues pour leur engagement. Enfin, j’espère que notre travail contribuera à une évolution positive du regard de la société sur le handicap complexe et rare. Afin que dans dix ans, on puisse constater que notre action a permis de faire évoluer la manière dont la société considère et prend en charge les situations de handicap complexes et rares.

Retrouvez les pilotes des Équipes Relais aux Journées Nationales Handicaps Rares les 5 & 6 novembre 2025 à Strasbourg !

Programme et Inscriptions

Publié le 15 septembre 2025

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