À l’occasion des 10 ans des Équipes Relais Handicaps Rares (ERHR), nous rencontrons Aurélie Salandre, infirmière de formation et aujourd’hui référente de parcours à l’ERHR Auvergne Rhône-Alpes. Avec passion et lucidité, elle nous raconte son métier, ses défis, et ce qui l’anime au quotidien.
« Écouter, analyser, orienter : le cœur de ma mission »
Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste votre rôle de référente de parcours au sein d’une ERHR ?
Je viens du monde sanitaire, mais j’ai très vite bifurqué vers le secteur médico-social. J’ai longtemps été coordinatrice de soins dans une équipe mobile de rééducation/réadaptation fonctionnelle accompagnant public en situation de handicap suite à des lésions cérébrales acquises et des maladies chroniques évolutives, avant de travailler dans un CAMSP. Cette expérience m’a donné le goût de la coordination, et c’est ce fil rouge qui m’a naturellement menée à l’ERHR.
Dans mon poste actuel, intitulé à l’ERHR AuRA « coordinatrice de parcours », je commence toujours par accueillir la demande et écouter. Ce premier contact est essentiel. Les personnes, leurs familles, mais aussi les professionnels viennent chercher des conseils, un appui, et parfois une oreille attentive. Ensuite, mon rôle est d’analyser la situation, de la décortiquer, de voir ce qui pose problème et d’identifier les ressources possibles ainsi que les compétences. Cela passe par des préconisations, de l’orientation, de la coordination, mais aussi par un réel accompagnement.
Je fais également de l’appui-conseil. Cela peut aller de la montée en compétences des professionnels, jusqu’à l’appui face à des situations d’épilepsie sévère ou de comportements défis par exemple. Dans ces cas-là, nous nous appuyons sur les experts du territoire : les centres nationaux de ressources handicaps rares (CNRHR), les associations de patients ou de familles, les partenaires, etc. C’est un travail d’équipe et de maillage.
« Le premier contact, une étape clé »
Quelles sont, selon vous, les étapes clés d’un accompagnement réussi ?
C’est difficile de parler de « modèle » tant chaque situation est unique. Les situations sont complexes, donc exceptionnelles et singulières à chaque fois. Mais s’il y a une étape fondamentale, c’est le premier contact avec la personne concernée, lorsque c’est elle qui nous sollicite directement. C’est parfois un moment fragile, mais il pose les premières briques de la relation de confiance. De nombreux facteurs extrinsèques entrent en jeu bien sûr mais, c’est selon moi, une étape clé qui peut favoriser une collaboration réussie.
« Communiquer avec transparence et… négocier sans cesse »
Quelles stratégies utilisez-vous pour coordonner les parcours complexes ?
J’insisterais d’abord sur la transparence. C’est-à-dire exprimer ce que l’on peut faire à un instant T et ce que l’on ne peut pas faire, mais qu’on pourra peut-être faire demain. Ça veut dire en avoir conscience aussi. Mais dans tous les cas, communiquer aux personnes qu’on est là pour les soutenir au mieux et trouver les solutions les plus adaptées, être dans une posture d’accueil de la demande, quelle qu’elle soit. Mon but est de me rapprocher le plus possible de la demande initiale mais il n’en reste pas moins que je n’ai pas de baguette magique.
Ensuite, il y a la négociation. C’est le cœur de mon quotidien : avec les établissements, les MDPH, l’Éducation nationale, les partenaires du territoire… Nous passons beaucoup de temps à construire des compromis pour avancer, toujours en collaboration avec la personne demandeuse.
« Trouver les bonnes solutions »
Quels sont les principaux défis que vous rencontrez au quotidien ?
Le premier, c’est la recherche de solutions adaptées. Parfois, il faut aller chercher un petit bout de réponse ici, un autre ailleurs, pour se rapprocher au mieux de la demande initiale.
L’autre défi, c’est la relation avec les personnes et les familles. Il faut rester dans la justesse : ne pas promettre l’impossible, mais ne jamais abandonner non plus. Être un soutien, humble et transparent.
Un accompagnement marquant
Auriez-vous un exemple concret à partager ?
Oui, celui d’une adolescente atteinte d’une maladie rare provoquant des tumeurs récurrentes. Ces tumeurs avaient de lourdes conséquences : déficiences sensorielles, troubles endocriniens, atteintes cérébrales, troubles du comportement alimentaire, etc. Quand sa maman nous a sollicités, sa fille était hospitalisée depuis six mois en psychiatrie pour des crises d’hétéro-agressivité, avec une scolarité interrompue et des retours à domicile très compliqués.
Le premier contact m’a révélé à quel point cette jeune fille était réduite à ses tumeurs et à ses conséquences. On ne parlait jamais de ses compétences. Notre objectif a donc été de changer de regard : écouter sa mère, mais aussi identifier les besoins de la jeune fille, mobiliser les partenaires, et relancer des bilans médicaux, visuels et comportementaux.
Nous avons sollicité la RAPT (Réponse accompagnée pour tous [1]) pour obtenir un Plan d’Accompagnement Global (PAG [2]) via la MDPH. Cela a demandé beaucoup de négociations, mais a permis de construire un projet collectif. Aujourd’hui, une solution temporaire d’accueil plusieurs fois par semaine existe, et un passeport d’accompagnement est en cours pour guider les futures équipes. L’accompagnement est encore en cours, mais cela illustre bien la complexité de notre mission.
« Ce métier a du sens »
Qu’est-ce qui vous motive dans ce métier ?
Ce sont d’abord les relations humaines. Accompagner les personnes dans des moments aussi complexes est une responsabilité et une chance. Et puis il y a la richesse du réseau. Travailler dans le Dispositif Intégré Handicaps Rares (DIHR), avec les centres nationaux de ressources handicaps rares (CNRHR), le Groupement national de coopération handicaps rares (GNCHR) et les associations est aussi motivant. L’expertise qui s’y trouve est très stimulante. On apprend sans cesse.
Quelles compétences sont nécessaires pour ce poste ?
L’empathie, l’écoute active, la justesse relationnelle, mais aussi une solide capacité d’analyse et une bonne autonomie.
Et quelles valeurs vous guident ?
Le respect des droits fondamentaux des personnes, l’humilité, la tolérance. Et une vision profondément humaniste.
Enfin, quel conseil donneriez-vous à quelqu’un qui voudrait devenir référent de parcours ?
Se faire confiance, garder une pensée positive. Parfois nous sommes la dernière bouée pour les familles, et c’est parfois lourd à porter. Mais même si nous ne pouvons pas tout résoudre, le fait d’être là, d’écouter, de chercher des solutions pas à pas, fait déjà bouger les choses. L’important est de faire de son mieux, toujours.
[1] La RAPT est une démarche destinée à mettre en œuvre des solutions d’accompagnement pour les enfants ou les adultes en situation de handicap, afin d’éviter toute rupture dans leur parcours
[2] Document retraçant les différentes solutions de compensation proposées aux personnes rencontrant des difficultés spécifiques pour couvrir leurs besoins et les différents acteurs devant y œuvrer


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